La présidentielle, c’est pas compliqué!



Les primaires

Simon Persico
9 Mars 2022


Utilisées massivement et depuis longtemps aux Etats-Unis, le principe des élections primaires, qui permettent de désigner le candidat d’une famille politique à l’élection présidentielle, a du mal à s’imposer en France. Quels sont les partis qui utilisent des primaires ? Avec quelles règles et pour quels résultats ?

Une élection primaire est une élection qui permet la désignation du candidat d’un parti politique ou d’un rassemblement de plusieurs partis à l’élection présidentielle. Ces élections sont utilisées depuis plus d’un siècle aux Etats-Unis. Leur usage est beaucoup plus récent et moins systématique en France où seule une minorité de partis font des primaires pour désigner leur candidat.

Ces primaires peuvent être ouvertes à tous les citoyens – moyennant une participation financière plus ou moins modeste et la signature d’une charte des valeurs plus ou moins précise. Elles peuvent aussi être fermées, réservées aux seuls adhérents des partis politiques à jour de cotisation.

Si l’idée de primaires à la française est venue du camp de la droite, avec une proposition de Charles Pasqua en 1990, c’est le parti socialiste qui a utilisé pour la première fois cette méthode, afin de désigner son candidat pour l’élection présidentielle de 1995. Il s’agissait d’une primaire fermée, à laquelle pouvaient participer les militantes et militants socialistes. Elle aboutit à la désignation de Lionel Jospin et le modèle va être répliqué par d’autres partis.

Ainsi, les Verts vont utiliser le même dispositif en 2002 et 2007 – primaires réservées aux adhérents – avant d’ouvrir ces primaires à l’ensemble des citoyens en 2012, 2017 et 2022 (une primaire qui regroupait trois partis écologistes). C’est la seule famille politique qui utilise ce dispositif de manière systématique depuis 20 ans, sans conséquence sur ses résultats électoraux – le record d’un candidat vert à une élection présidentielle est de 5,3%.

Les primaires seront également utilisées à intervalles réguliers par les partis qui dominaient la Cinquième République, le Parti socialiste et le parti Les Républicains (anciennement l’UMP), lors de primaires ouvertes ou fermées. En l’absence de Président ou Premier ministre sortant, c’est une manière simple de trancher la compétition entre les prétendants. C’est nécessaire quand le chef n’est pas considéré, pour une raison ou pour une autre, comme le plus légitime pour prétendre à la fonction suprême.

Le tableau ci-dessous retrace l’histoire des primaires à la française.


Election Pas de primaire Primaire fermée Primaire ouverte (nb. d’inscrits) Primaire hors-parti
(nb. d’inscrits)
1995 FN, RPR, Verts, PCF PS
2002 FN, RPR, PCF, PS, UDF Verts
2007 FN, RPR, PCF, UDF Verts, PS, UMP (1 candidat)
2012 FN, Modem, PG, UMP PCF EELV (32 896)
PS (2 860 157)
2017 FN, FI, LREM-Modem EELV (17 146)
LR-UDI (4 404 812)
PS-PRG (2 045 343)
Primaire.org
(32 685)
2022 RN, FI, LREM-Modem, R LR-UDI, PS EELV (122 675) Primaire populaire (466 895)


Ce tableau montre que certains partis refusent l’usage des primaires. C’est le cas du Front national, de la France insoumise, et des partis de centre-droit (UDF-Modem et LREM).

Le tableau permet également de comprendre que les élections primaires ne sont en aucun cas une recette miracle pour le succès. Dans l’histoire de la Cinquième République, seul un Président de la République a été élu après avoir été désigné par une primaire. Il s’agit de François Hollande en 2012. Lors de l’élection de 2017, alors que le PS et Les Républicains ont réussi à mobiliser plusieurs millions d’électeurs dans des primaires ouvertes, les candidats désignés échouent tous deux à se qualifier au second tour de l’élection présidentielle.

Enfin, ce tableau montre que le principe des élections primaires a été mobilisé par des acteurs extérieurs au champ partisan, à gauche essentiellement, pour tenter d’enrayer la division de ce camp politique. Les tentatives dans ce sens avaient avorté en 2007 ; en 2017, à l’issue d’une faible mobilisation (moins de 40 000 votants), la candidate désignée, Charlotte Marchandise, n’avait pas obtenu suffisamment de parrainages.

En 2022, la Primaire populaire a connu un succès citoyen plus important (près de 500 000 inscrits). Extérieure aux partis, elle faisait le pari de présenter aux potentiels électeurs la plupart des candidats de gauche, y compris ceux qui refusaient le principe d’une telle primaire. Elle faisait aussi le pari d’utiliser un mode de scrutin différent du scrutin uninominal à deux tours utilisé traditionnellement, pour privilégier un scrutin par approbation, qui vise à sélection la candidate ou le candidat ayant recueilli le plus d’approbations positives. Cette élection primaire a abouti à la désignation de Christiane Taubira, qui n’est pas parvenue à collecter suffisamment de parrainages.

Cette incapacité de la primaire populaire à voir la candidate issue du processus concourir à l’élection présidentielle est le signe de la résistance des partis politiques dans les institutions de la Cinquième République. Un signe également, des difficultés que le modèle des primaires connaît pour s’imposer dans la vie politique française.